Le budget de l’État expliqué comme un compte de résultat d’entreprise

Publié le 22 juillet 2025 à 15:59

Quand la comptabilité publique parle le langage de l’entreprise

Parler du budget de l’État peut vite sembler technique, voire abscons. Défense, retraites, impôts, dette, investissements… Les lignes budgétaires s’empilent, mais la logique globale reste floue pour beaucoup. Et si l’on traduisait le budget public dans un langage familier à tout chef d’entreprise ou expert-comptable ? Si l’on pensait l’État comme une grande entreprise nationale ? Voici une tentative de traduction économique d’un budget public qui mobilise plus de 1 700 milliards d’euros par an.

Chiffre d’affaires : les produits de l’État

Pour toute entreprise, la première ligne du compte de résultat est le chiffre d’affaires. Côté État, ce sont les recettes fiscales et non fiscales.

En 2025, les recettes fiscales nettes du budget général sont estimées à environ 390 milliards d’euros selon la loi de finances initiale. Elles proviennent principalement de trois grandes sources :

  • La TVA (~160 milliards €)
  • L’impôt sur le revenu (~90 milliards €)
  • L’impôt sur les sociétés (~60 milliards €)

À cela s’ajoutent les recettes non fiscales : dividendes perçus (notamment de la Banque de France), produits des amendes, ventes d’actifs publics, redevances, etc. Ces dernières restent marginales au regard des ressources fiscales (autour de 10 à 20 milliards par an).

Produit total brut estimé de l’État 2025 : environ 410 milliards d’euros.

Charges d’exploitation : un lourd fonctionnement

Côté charges, l’État concentre ses dépenses sur trois grandes natures : fonctionnement, personnel, et intervention.

  • Les dépenses de personnel (salaires des enseignants, policiers, fonctionnaires des ministères...) représentent à elles seules environ 140 milliards d’euros par an.
  • Les dépenses de fonctionnement courant (loyers, équipements, frais logistiques...) s’élèvent à plus de 30 milliards.
  • Les dépenses d’intervention, qui regroupent les aides économiques, subventions aux collectivités, aides internationales, etc., dépassent les 100 milliards d’euros.

En y ajoutant les dépenses d’investissement (routes, infrastructures, numérique...), on obtient un total de dépenses hors dette d’environ 370 à 390 milliards d’euros.

En langage entreprise, ces éléments seraient les charges d’exploitation, avant amortissements et intérêts.

EBITDA, ou l’État sans la dette ?

Si l’on voulait s’amuser à calculer un EBITDA (excédent brut d’exploitation) de l’État, on pourrait comparer recettes fiscales – charges de fonctionnement. Le solde est faible, voire négatif.

En effet, hors dette, l’État vit au fil tendu : chaque euro est déjà affecté, et les marges de manœuvre sont faibles. En 2025, le déficit prévu de l’État est d’environ 144 milliards d’euros. Autrement dit, il dépense plus qu’il ne perçoit, chaque année.

Charges financières : le poids croissant de la dette

Comme toute entreprise endettée, l’État paie des intérêts financiers. Avec une dette publique qui frôle les 3 200 milliards d’euros en 2025 (soit 110 % du PIB), le poids de ces intérêts s’est alourdi avec la remontée des taux.

En 2025, le service de la dette (intérêts versés) atteint près de 52 milliards d’euros — l’un des tous premiers postes budgétaires. Une charge qui dépasse, à titre de comparaison, celle de l’enseignement supérieur ou de la sécurité intérieure.

Résultat net : un déficit récurrent

Au bout du compte, le « résultat net » de l’État, c’est-à-dire le solde entre toutes les recettes et toutes les dépenses, est déficitaire depuis des décennies.

En 2025, ce déficit atteint 144 milliards d’euros. Ce n’est pas un accident, mais une habitude chronique : depuis 1974, l’État français n’a plus voté de budget à l’équilibre.

En entreprise, cela signerait une perte annuelle, financée par de l’endettement constant. Une situation qui poserait tôt ou tard des questions de solvabilité, si elle n’était pas garantie par le soutien implicite de la Banque centrale et la capacité d’imposition de l’État.

Investissements : une vision long terme… parfois sacrifiée

Une entreprise investit pour l’avenir. L’État aussi. Routes, infrastructures ferroviaires, armement, hôpitaux, numérique… Autant de dépenses d’équipement qui devraient construire l’avenir.

Mais dans les faits, les dépenses d’investissement restent minoritaires, représentant à peine 5 à 6 % du budget total. L’essentiel du budget sert à maintenir l’existant plutôt qu’à innover ou moderniser.

BFR : un besoin en financement permanent

Comme toute entreprise avec un fonds de roulement insuffisant, l’État affiche un besoin en financement permanent. Il lève chaque année plusieurs centaines de milliards sur les marchés financiers, non seulement pour financer son déficit, mais aussi pour refinancer ses dettes arrivant à échéance.

En 2025, environ 285 milliards d’euros doivent être empruntés, rien que pour faire tourner la boutique.

En conclusion : une grande entreprise… déficitaire mais solvable

Comparé à une entreprise privée, l’État français ressemblerait à une multinationale ultra-endettée, aux marges négatives mais disposant d’un actif puissant : sa capacité d’imposition et sa souveraineté monétaire dans un cadre européen protecteur.

Mais si un commissaire aux comptes devait certifier ses comptes, il formulerait sans doute :

  • Une certification avec réserves, en raison de problèmes récurrents dans la fiabilité des systèmes d’information comptables, la valorisation de certains actifs, et l’absence de contrôle interne pleinement satisfaisant sur tous les cycles.
  • Des observations, notamment sur la trajectoire de la dette et le manque de documentation sur certaines dépenses sociales.
  • Une alerte sur la continuité d’exploitation à long terme, conditionnée à la maîtrise future des déficits.

Et pour 2026 ? Les points de vigilance seraient : l’évolution des taux d’intérêt, la soutenabilité de la dette, la réforme des dépenses publiques, et surtout, une meilleure lisibilité budgétaire — pour que les citoyens, comme les entrepreneurs, puissent vraiment comprendre où va leur argent.

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