« Au secours, mon commissaire aux comptes… n’est pas commissaire aux comptes ! »

Publié le 9 septembre 2025 à 07:55

Quand une société croit se doter d’un garant de la régularité financière pour découvrir, quelques mois plus tard, qu’elle a fait appel à un « faux » commissaire aux comptes (CAC), le désarroi est total. Au‑delà de la farce, les conséquences peuvent s’avérer dramatiques : nullité des audits, distribution de dividendes fictifs, sanctions pénales pour les dirigeants, voire faillite. Revenons sur ce qui s’est joué dans ce procès‑verbal d’erreur, et sur la véritable mission et la qualification requise pour exercer ce métier si particulier.

Une nomination illusoire, un contrôle inexistant

En droit français, la nomination d’un commissaire aux comptes est une obligation légale pour toutes les sociétés dépassant, sur deux exercices consécutifs, deux des trois seuils suivants :

  • 5millions d’euros de total de bilan,

  • 10 millions d’euros de chiffre d’affaires hors taxes,

  • 50 salariés en moyenne annuelle.

Pourtant, dans notre cas d’espèce, le conseil d’administration d’une SARL familiale, désireux de rassurer ses partenaires, a nommé monsieur X au poste de CAC sans vérifier sa qualité : or, celui‑ci n’était pas inscrit sur la liste officielle tenue par la Haute Autorité de l'Audit (H2A).

Résultat : durant deux exercices, monsieur X a établi des « rapports » sans effectuer ni vérification des comptes, ni contrôles internes, se contentant de photocopies de bilans dressés par le cabinet d’expertise comptable – confirmation des dividendes votés, sans examen des réserves suffisantes. Quand la véritable mission a été enfin confiée à un CAC authentique, le constat a été sans appel : dix millions d’euros de distributions irrégulières, autant de passifs cachés et de provisions insuffisantes.

Les conséquences d’une telle méprise

 

  • Nullité des rapports et des distributions
    L’absence de contrôle légal ouvre la porte à la nullité des assemblées générales qui ont approuvé les comptes non certifiés. Les dividendes jugés fictifs doivent être remboursés sur la base des bénéfices réellement distribuables, ce qui expose les associés à devoir restituer les sommes perçues.

  • Responsabilité civile et pénale des dirigeants
    En cas de distribution irrégulière, l’article L. 234‑1 du Code de commerce permet de poursuivre pénalement les dirigeants pour abus de biens sociaux et distribution fictive de dividendes. Les amendes peuvent atteindre 375 000 €, et jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

  • Perte de confiance et risque de redressement
    Les tiers — banques, clients, fournisseurs — considèrent l’absence de CAC inscrit comme un manquement grave. Les contreparties exigent souvent des garanties renforcées, voire rompent les contrats, menaçant la pérennité de l’entreprise.

 

Le rôle essentiel du commissaire aux comptes

Le CAC est le « gardien » de l’information financière :

  • Certification des comptes annuels : il s’assure que les états financiers donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société.

  • Audit légal et réglementaire : vérification du respect des normes comptables, des procédures internes et des contrôles de gestion.

  • Évaluation des risques : détection des anomalies, des fraudes potentielles, et recommandation d’améliorations des dispositifs de contrôle interne.

  • Information des tiers : son rapport est un document public, consultable par les actionnaires, les autorités de marché et les créanciers.

Cette fonction ne se réduit pas à un simple coup de tampon : il suppose un exercice indépendant, libre de tout conflit d’intérêts, et guidé par un devoir de sincérité et de diligences renforcées.

La formation et le diplôme requis

Pour devenir commissaire aux comptes, il existe en France une voie spécifique :

  1. Diplôme initial

    • Un Master « Comptabilité, Contrôle, Audit » (CCA) ou un Diplôme de Comptabilité et de Gestion (DCG) suivi d’un Diplôme Supérieur de Comptabilité et de Gestion (DSCG).

  2. Stage professionnel

    • Trois ans de stage en cabinet d’expertise comptable ou d’audit, sous la supervision d’un commissaire aux comptes agréé.

  3. Examen d’aptitude

    • À l’issue du stage, le candidat présente et soutient devant le jury le Rapport de Mission de Fin d’Études Professionnelles, et réussit l’examen final d’aptitude à la profession de commissaire aux comptes (DEC).

  4. Diplôme d’Expertise Comptable et DEC

    • L’obtention du diplôme d’expertise comptable (DEC) valide l’aptitude technique, tandis que l’épreuve d’aptitude au commissariat aux comptes atteste de la maîtrise des référentiels légaux et déontologiques.

L’inscription sur la liste du H2A

Enfin, pour exercer, le professionnel doit être inscrit sur la liste des commissaires aux comptes tenue par la Haute Autorité de l'Audit (H2A), instance indépendante chargée de :

  • Vérifier l’honorabilité, l’indépendance et la compétence des candidats,

  • Assurer la mise en œuvre du contrôle qualité des cabinets et des auditeurs,

  • Prononcer des sanctions disciplinaires en cas de manquements (avertissement, suspension, radiation).

Sans cette inscription, aucun acte de commissariat aux comptes n’a de valeur légale : la « naissance » du CAC n’est alors qu’une coquille vide, dénuée de force probante.

 

Pour retrouver la liste, vous pouvez vous rendre sur le site du H2A : https://h2a-france.org/listes/

Dans notre dossier, le récit de cette nomination factice — provoquant distributions non couvertes, redressements fiscaux et poursuites pénales — souligne l’impérieuse nécessité de ne jamais confondre « désignation » et « habilité ». Choisir un CAC ? C’est avant tout vérifier son inscription sur la liste du H2A, contrôler son diplôme et son expérience, et s’assurer qu’il jouit d’une indépendance absolue.

La vigilance des dirigeants et le respect des règles déontologiques sont les premiers remparts contre les risques financiers et juridiques. En cas de doute, mieux vaut consulter sans délai les services du H2A ou un cabinet d’audit reconnu, plutôt que de découvrir, trop tard, qu’« au secours, mon commissaire aux comptes… n’est pas commissaire aux comptes ! ».

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.

Créez votre propre site internet avec Webador